Nous allons évoquer ici, un élément primordial dans la culture Judo.
Savez vous comment on reconnaît un « Ancien » ayant commencé son parcours de judoka dans la période 1950-1965, et qui continue encore à fréquenter les Dojos ? Non ? C’est très simple. Regardez-le s’échauffer. Il passe et passera toujours beaucoup de temps à préparer ses pieds et ses chevilles durant l’échauffement en y mettant un soin tout particulier. Pourquoi ?
Quand les pionniers du Judo français ont décidé de pratiquer cette discipline, ils ont d’abord franchi les portes des dojos mis à leur disposition.
Après avoir revêtu leur judogi, ils sont montés sur le tapis.
Leurs pieds leur ont envoyé un premier avertissement en faisant connaissance avec le Tatami, élément incontournable pour la réception des chutes (premier pilier de la pratique), qu’elles soient volontaires, ou subies (lors des ‘randori’)
Pour appréhender au mieux la situation, voici l’état des lieux:
Le tapis qui occupait la majorité de l’espace, était formé par une surface de plusieurs tatamis de deux mètres sur un mètre constitués d’un amalgame de paille de riz très grossièrement tressée, à plat, et particulièrement compact.
L’ ensemble était très souvent relié par une fine couche de particules de liège entre les tatamis, qu’il fallait remettre souvent à leur place initiale pour éviter les bosses accidentellement créées. L’installation finale était « assurée » par une bâche qui couvrait le tout (ou qui, en tout cas, tentait de le faire…)
Les premiers contacts étaient suffisamment ressentis pour démontrer rapidement la nécessité d’ acquérir et de parfaire le contrôle de la chute, avec toute l’ attention et le sérieux possibles. Sinon on payait cash au prix d’un orteil plus ou moins tordu, une cheville passablement douloureuse, ou une rencontre particulièrement sévère avec le tapis, pourtant censé « adoucir » le résultat d’une projection contrôlée ou pas.
Ce passage obligé était très souvent un élément primordial de sélection des nouveaux arrivés. On supportait ou pas, et un nombre certain de débutants décidaient finalement de rejoindre un terrain de rugby où les plaquages se vivaient sur une douce pelouse, laissant là leurs ambitions de pratiquer un Art martial.
Un Président départemental racontait avoir débuté le Judo chez les scouts sur des planches recouvertes d’une bâche. Un « Maître » donnait des leçons à ses copains, alors qu’il était ceinture blanche, sur une fine étendue de liège pilé recouverte d’une bâche. Preuve que la passion pour le Judo ne faisait pas reculer les plus motivés !
Ceci peut paraître très exagéré mais il suffit de regarder les photos prises à l’ intérieur des Dojos de l’ époque, et vous en serez convaincus. Equipement spartiate, chauffage très discret (quand il y en avait un et s’il voulait bien fonctionner !), mais, nous, les Anciens, avons gardé, malgré tout cela, un souvenir très ému de ce temps, et il fait partie de nos très grands et meilleurs moments de Judo.
De nos jours, ces tatamis ont rejoint l’armoire des souvenirs.
Leurs équivalents actuels sont faits de matière plus souple et sont donc plus agréables à l’usage, même s’ils restent fermes
Pourtant, la pratique dans ces conditions, avait un gros avantage : L’ entraînement commençait vraiment et plus longuement par la maîtrise de la chute. Une fois celle-ci obtenue et confortée régulièrement et systématiquement, la réussite n’était pas pour autant plus évidente, mais la progression en était facilitée et vécue l’esprit plus tranquille.